Introduction au travail de:
LE LUDEC AURORE
Faire corps avec la peinture : réécriture du geste de peindre Transposition symbolique du sang menstruel en écoulement pictural
« Ainsi le corps qui coule, qui « s »’écoule, reste souvent dans les représentations mentales des hommes comme des femmes un corps fuyant, en pure perte, négatif et non performant. ». Claire Lahuerta, HUMEURS: L’écoulement en art comme herméneutique critique du corps défaillant, Paris, Editions L’Harmattan, 2011.
A travers une analyse du phénomène de l’écoulement corporel menstruel et d’une pratique artistique personnelle, il est question de reconsidérer un fluide qui a catalysé peurs et tabous comme processus créateur dans ce que celui-ci possède de plus vaste, étrange et troublant. Comment ce corps en déperdition perméable et défaillant devient, par l’assemblage d’un dispositif plastique, le corps puissant de l’œuvre en process ? Au travers d’une intériorité exhibée, ces sécrétions et humeurs dont la symbolique renvoie à un phénomène excluant ou propice à la dépossession de soi se voient réhabilitées. C’est-à-dire un écoulement dit « négatif », culturellement dévalorisant et stigmatisant, une non maîtrise du corps qui se transforme en peinture. Le sang menstruel comme abjection débordante devient débordement artistique. Cette humeur devenant oeuvre, ce corps individuel devenant social donne lieu à une réhabilitation d’un sang souillé par la domination vers une pratique picturale émancipatrice. Dans une tension entre réalité du sang corporel, symbole de blessure et le « sang-peinture », cette recherche d’un geste pictural informel tend à une transformation, à rendre esthétique ce qui est communément perçu comme sale. En transposant le sang en peinture, il s’agit de retranscrire un débordement : la non-maitrise d’un fluide qui se répand en jaillissement artistique. Le sang, synonyme de mort, symbole d’un flux purificateur devient élan de vie, élan créateur. Symbole de soumission, catalyseur de peurs, accusé de sorcellerie ou tout simplement considéré comme impur, le sang menstruel reconsidéré comme outil de création se voit ici être un médium d’émancipation et de jaillissement artistique. La poursuite de ce cheminement s’inscrira dans une mécanique d’émancipation non plus d’un fluide corporel mais des femmes artistes dont l’abnégation est encore d’actualité. Il s’agira de tendre à réhabiliter le corps de celles-ci comme substantiel et riche de potentiel, permettant une libération face aux injonctions masculines en procédant à une réécriture du geste de peindre depuis le corps féminin. En outre, cette réflexion se poursuit dans le but de construire un paradigme d’émancipation au travers du corps menstrué faisant oeuvre en tendant vers l’élaboration d’une figure archétypale.