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Introduction au mémoire de: 

JESSICA DA SILVA

L'OCEAN DE NOS HISTOIRES

LE DEPLACEMENT ET LA MER

   Aujourd'hui, plus de personnes que jamais vivent dans un pays autre que celui dans lequel elles sont nées. Les conflits armés et le réchauffement climatique sont les causes pour l'augmentation des migrations forcées. Arrivé à sa nouvelle destination, l'individu est confronté à une nouvelle culture et est obligé à s'adapter à un mode de vie différent, ce qui affecte le sentiment d'appartenance et de chez-soi. À travers mon expérience personnelle, j'aborde les conséquences du déplacement sur le migrant lui-même. La mer, qui transporte l'individu vers un nouveau endroit, joue un rôle important dans l'histoire des migrations humaines. Elle représente le sublime pour la plupart d'entre nous et le danger pour le réfugié syrien qui la traverse la mer Égée dans un bateau surchargé. L'image de la mer est fréquente dans les œuvres d'artistes contemporains qui dénoncent les problématiques de la migration. J'examine les manières différentes utilisées par les artistes, tels que Ai Weiwei, Marco Godinho et Zineb Sidera, pour aborder la question de migration. Je présente également mes projets artistiques qui sont liés à la crise des réfugiés en Europe et je questionne notre perception du monde, ainsi que la relation entre l'homme et la nature. À partir des promenades dans la nature, j'aborde le déplacement en tant qu'attitude esthétique.

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    Assise au bord du fleuve, j'observe l'eau en mouvement : Un tapis transparent qui flotte au-dessus des rochers, à petites ondes qui font danser les reflets des arbres. Le cours d'eau brille sous le soleil. Les mouvements sont lents et réguliers. Il induit un profond sentiment de méditation. Le James est calme aujourd'hui. Je me trouve actuellement à Richmond en Virginie. On est en Printemps 2020 et la pandémie COVID-19 a mis le monde entier en pause. Je me sens énormément chanceuse de pouvoir me promener dans la nature sans avoir à expliquer où je vais et pour quelle raison. Les mesures de confinement aux États-Unis se diffèrent de celles du gouvernement français. Ici, les voyages nationaux n'ont pas été interdits : les gens peuvent encore se déplacer aussi loin qu'ils désirent et de plus, ce déplacement ne doit pas forcément être essentiel. Les mesures de sécurité un peu plus lâches semblent cohérentes avec la mentalité nord-américaine : Dans aucun autre pays occidental, la croyance en la liberté n'est aussi fermement ancrée dans la mentalité de la population qu'aux États-Unis. La Déclaration d'Indépendance des États-Unis garantit les droits « Life, liberty and the pursuit of happiness » et la population américaine est toujours fidèle à ses valeurs libérales. Ayant des difficultés de trouver un vol de retour vers l'Europe et un statut de visa qui expire très prochainement, j'ai peur des conséquences qui pourraient s'ensuivre si je me retrouve bloquée et illégalement aux États-Unis. Et c'est à ce moment-là que peux sentir ce que des centaines de milliers de réfugiés éprouvent actuellement et constamment. Peur de ne pas arriver à la destination. Peur de devoir retourner. Peur de ne pas pouvoir retourner. Peur d'être enfermé. Peur de tout perdre. Je me sens angoissée, agitée, en danger. En même temps, je suis excitée de naviguer dans l'imprévisibilité de la vie.

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    Depuis toujours, je suis intéressée par le déplacement : les voyages, la vie nomade, les migrations. Je pense à l'histoire de mon père, mais je pense aussi à la crise des réfugiés en Europe, qui a commencé pendant l'été 2015. J'ai été bénévole pour l'association luxembourgeoise Narin qui a pour but de faciliter l'intégration des réfugiés au Luxembourg. Cet événement a eu un impact fort sur ma pratique artistique. La crise des réfugiés en Europe est devenue une crise des droits de l'homme et notre société est ignorante. De plus en plus artistes contemporains dénoncent cette problématique et, de même, le nombre des expositions centrées autour du thème de la migration augmente. De nombreux théoriciens, critiques d'art et artistes ont analysé l'impact transformateur de la migration à travers le prisme de l'art contemporain et la manière dont les notions d'identité, d'appartenance et de communauté évoluent avec la migration et la mondialisation. Je suis intéressée par la question du sentiment de chez-soi, qui se pose avec le déplacement. Arrivés dans un nouveau lieu, nous sommes confrontés à une nouvelle culture qui bouleverse les rapports à soi-même. Dans mon essai, je voudrais aborder les conséquences du déplacement sur le migrant lui-même plutôt que analyser les aspects politiques et l'impact de la migration sur la société.

 

    Mon expérience personnelle accompagne le récit et à ce moment-là, la mer joue un rôle important dans mon essai. La mer nous transporte vers des nouveaux endroits et préserve nos histoires que certains artistes, tel que Marco Godinho, veulent donner la parole. « La mer raconte beaucoup d'histoires. Elle peut être très accueillante. Elle peut engloutir aussi. Elle peut être très violente et, du coup, il y a des différentes expériences, mais on n'est jamais insensible face à la mer. » 1 Il me semble important d'introduire l'artiste portugais-luxembourgeois, puisqu'il représente une figure emblématique de la scène artistique luxembourgeoise et nous partageons les mêmes thèmes de recherche, tels que la migration, le déplacement et la mer. Son travail sera présenté dans la première partie, dans laquelle j'aborde les notions de sentiment d'appartenance et de chez-soi.

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     Dans la deuxième partie j'analyse les différentes manières par lesquelles les artistes dénoncent les migrations forcées par le biais du motif de la mer. Je compare leur approche avec la mienne et j'interroge la notre perception par un jeu de figuration et abstraction. Finalement, je raconte mon séjour aux États-Unis qui est affecté par la pandémie COVID-19. La limitation de déplacement m'a conduit à me déplacer plus dans la nature. À travers des séries de photographies, la troisième partie étudie comment la pandémie a changé mon rapport à la nature et ce que j'ai appris des artistes locaux qui sont fortement influencés par le Land Art et qui créent des productions artistiques à partir des promenades

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