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Introduction au mémoire de: 

ARASI TIFFANY TAVARES

UNE REPRÉSENTATION POÉTICO-PHILOSOPHIQUE DE L’AUTOPORTRAIT PAR LE BIAIS DE LA PARTICIPATION DU SPECTATEUR

    Autoportrait classique, autoportrait numérique, l'homme n'a de cesse de vouloir figer et reproduire son image. Expérimenté et étudié depuis la nuit des temps, ce genre reste source d'intemporalité, d’infinité et de questionnements. Pourquoi l’autoportrait, reste-t-il aujourd’hui encore, une source d'expression pour l’homme et notamment pour l’artiste ?

 

    Il ne faut pas se laisser prendre par l'apparence simpliste de l'autoportrait. En effet, celui-ci a l'avantage d'avoir toujours un modèle sous la main, cependant par l'intégration d'objets complexes tels que les miroirs, il met en jeu des techniques infiniment variées qui vont rendre sa signification de plus en plus perplexe. Nous tenterons de démontrer que l’autoportrait se base sur l’individualité pour exprimer un message social et collectif.Bien plus qu'une représentation à la surface de la toile, l'autoportrait témoigne du moi de l’artiste. Un moi à la fois hybride, mutant et en mouvance qui va donner lieu à diverses représentations. Hubert Auque affirme que, « L'identité pour se révéler et s'analyser, a besoin de moments de crise, de mutation; c'est lorsqu'elle est défaillante qu'on cherche à la connaître; identité introduite par les deux formulations de la même question « qui suis-je » ou « qui sommes-nous ? ». 

 

L’autoportrait évolue toujours à partir d’un moi et va ainsi entretenir un lien de parenté avec l’égocentrisme renvoyant au narcissisme. Nous ne pouvons-nous extraire de nos corps, pour nous observer ; en ce sens, oui, l’autoportrait est une pratique égocentrée, cependant dans une perspective philosophique le narcissisme ne constitue pas un mal mais contribue à la construction identitaire de l’individu.

 

    Positionnement narcissique ou questionnement de soi, l’autoportrait va perpétuellement évoluer et questionner ces deux postures. Un basculement d’autant plus pertinent que nous évoluons dans un monde où l’autoportrait n’est plus le monopole de l’art mais s’invite dans notre quotidien et devient source de généralité.

Roland Barthes nous dit, « […] dès que je me sens regardé par l’objectif tout change : je me constitue en train de poser, je me fabrique instantanément un autre corps, je me métamorphose à l’avance en image. Cette transformation est active : je sens que la Photographie crée mon corps ou le mortifie, selon son bon plaisir. » Corps figuré, abstrait, absent, métamorphosé, grimé, modifié, l’autoportrait va s’établir par une mise à distance du corps.

 

   Le moi–corporelle joue un rôle important dans la construction de notre identité. En effet, d’après le « stade du miroir » énoncé par Jacques Lacan, c’est à travers lui que l’enfant à la première image consciente du moi qu’il représente. Notre corps marque notre ancrage dans le monde physique cependant celui-ci ne se laisse pas appréhender par notre regard et nécessite l’utilisation de miroirs.

« Cette image bien réelle, Mais pourtant bien irréelle, Ne nous renvoie qu’une copie Devant nos yeux tant ébahis. 

Ce n’est qu’un double assurément Où, si le flou est dominant,

On y voit souvent une ébauche Comme un dessin de la main gauche Un trait sépare cette image

Que l’on y croit voir un mirage Où se confond le vrai du faux,

Mais qu’on s’accorde à trouver beau. »

 

    Aussi tangible que l'intangible, le miroir est à l’origine de contre-vérités et se nourrit de la subjectivité de notre perception afin de nous tromper.

Assimilée à nos sens, notre perception est variable, fugace et évolutive. « La détermination de la subjectivité par l’intériorité est reçue comme une évidence par la philosophie au moins depuis Descartes : la ligne de partage entre le subjectif et l’objectif correspond à la différence entre ce qui n’est accessible qu’à soi-même et ce qui se donne à tous, entre l’immanent et le transcendant».  Cette vision immanente pour reprendre la locution de Renaud Barbaras, va contribuer à la fragmentation de notre perception entre le corps et l’âme… Le miroir va venir achever cette fragmentation en induisant une rupture par l’intégration de l’image d’un autre. « Je est un autre », nous dit Arthur Rimbaud dans sa lettre à Paul Demeny datée du 15 mai 1871.

Être un autre, et soi à la fois découle d’un paradoxe, cependant cette formule permet une mise en perspective de la dualité de l’être induisant l'individu et autrui, identité et altérité.

Cet entre-deux va être exploité par les artistes afin de retranscrire à la fois l'attirance et la répulsion envers l'image. Par une filiation à la mise en scène, chaque artiste va tenter d'exprimer sous le trait de l’autoportrait, l’identité dans son sens le plus large qui ne couvre pas que l’homme, mais touche tous les espaces et toutes les choses.

 

    Actuellement à la fin de mon Master 2 Art et création internationale, j'ai consacré mon année à la réalisation d'autoportraits qualifiés de portraits numériques. L'essentiel de mon travail, s'est ainsi orienté vers les problématiques liées à l'autoprésentation. Cependant d’une manière tout autre, j'ai cherché à expérimenter l'autoportrait du point de vue d’autrui en impliquant l’action du spectateur, ce qui a permis la création d’autoportraits interactifs, exclusifs et inclusifs. Autoportrait ou portrait ? Comment suis-je arrivée à l'autoreprésentation ? Pourquoi induire de l’interaction au cœur de l'autoportrait ? Comment mon corps se transpose-t-il dans mes œuvres ? Si le sujet devient le spectateur que devient l’œuvre ? Tant de questions, qu’il m’a fallu analyser et comprendre afin de parvenir à discerner quelle artiste de l’autoportrait, je représente.

 

    Nous étudierons dans une partie consacrée à, L’AUTOPORTRAIT : DE L’IMAGE DE SOI AU REFLET DE L’AUTRE, d'une part l’indexation de l’autoportrait au monde de l’art et d'autre part les enjeux au cœur de l'image de soi. Cette première partie nous aidera à avoir une vision globale de l'autoportrait en dégageant ses composants. La deuxième partie ENTRE REPRÉSENTATION POÉTICO-PHILOSOPHIQUE ET

CRITIQUE, nous permettra de préciser notre propos à travers l'étude d'autoportraits impliquant une action du spectateur sur l’œuvre mais aussi à travers l’analyse d’œuvres reniant un moi sociétal. Ce thème qui se prête à différents axes d’analyses, allant de la posture de l’artiste, à l’action du spectateur, nous aidera à définir l’apport des uns et des autres dans le développement individuel et social, pouvant amener à une figure éclatée de l’individu.

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